Pièces choisies - страница 10



LUI. Heureux, plutôt.

ELLE. On dirait que le bonheur vous est tombé dessus si soudainement que vous n’avez pas eu le temps de faire un pas de côté.

LUI. Alors on y va?

ELLE. On y va. (Elle se lève et prend son sac.) Attendez-moi un instant ici, je dois régler l’addition au garçon.

LUI. C’est moi qui règle.

ELLE. Pas besoin de l’appeler, j’y vais. (Elle va vers la sortie.)

LUI. Mais vous allez revenir?

ELLE. Et vous, vous attendrez?

LUI. Vous doutez de moi?

ELLE. Et vous de moi?

LUI. Oui.

ELLE. Et vous faites bien.

La femme sort et son absence semble assez longue à l’homme. Il l’attend avec une certaine inquiétude, ne la quittant pas du regard. La femme revient.

LUI. Pourquoi ces chuchotements avec le garçon?

ELLE. (Avec une pointe de moquerie.). Nous récitions des vers. Vous êtes jaloux?

LUI. Peut-être.

ELLE. Bon, eh bien, je suis prête.

LUI. (Il fait quelques pas, mais soudain s’arrête.). Tout à coup j’ai un peu peur.

ELLE. Moi aussi.

LUI. De qui avez-vous peur? De moi?

ELLE. Non. De moi.

LUI. Et moi, de moi. Mais on y va?

ELLE. On y va.


FIN DE ACTE I


ACTE II


Une chambre d’hôtel. L’Homme et la Femme entrent. Tous les deux se sentent quelque peu gênés.


LUI. Eh bien, la chambre vous plaît?

ELLE. Comment dire… Dans un hôtel, fût-il un bon hôtel, il y a toujours ce côté standard, aseptisé. Une table, un sanitaire, un lit… On ne s’y sent jamais comme chez soi.

LUI. Si je comprends bien, il vous arrive souvent d’aller dans les hôtels. Profession oblige.

ELLE. Ça se peut. Et alors?

LUI. Rien.

ELLE. Alors pourquoi poser des questions oiseuses?

Pause.

L’homme veut enlacer la femme. Elle s’écarte.

LUI. Qu’est-ce que tu as?

ELLE. Rien.

LUI. Je ne comprends pas, ne sommes-nous pas convenus de tout?

ELLE. Nous ne sommes convenus de rien du tout. Vous m’avez priée de venir, je suis là.

LUI. J’espère que tu n’essaieras pas de me faire croire que je suis le deuxième.

ELLE. Sûrement pas.

LUI. Tiens, tiens! Et tu en as eu beaucoup?

ELLE. Suffisamment.

LUI. Donc, tu as de l’expérience?

ELLE. Pas peu.

LUI. Tu m’en feras profiter?

ELLE. Nous nous tutoyons à nouveau?

LUI. Au lit, on ne se vouvoie pas.

ELLE. Nous ne sommes pas encore au lit.

LUI. Mais nous allons y être. (Il veut l’enlacer.)

ELLE. (S’écartant très sèchement.). Vous avez décidé que puisque j’ai été d’accord pour venir ici, on pouvait ne pas se gêner avec moi?

LUI. Inutile de faire croire que vous êtes montée, à la nuit tombée, dans la chambre d’un homme pour boire le thé avec lui.

ELLE. Certes, pas pour boire le thé. Nous boirons le champagne.

LUI. Cessez de plaisanter. Où le trouverai-je à présent? (Il essaie à nouveau d’enlacer la femme.)

ELLE. (Ne réagissant pas du tout à ses étreintes. Le ton froid :). Ne jouez pas la passion.

LUI. Mais je ne la joue pas. Ce n’est pas la passion mais la curiosité qui pousse un homme vers une nouvelle femme.

ELLE. (Sèchement.). Contentez-vous de satisfaire votre curiosité sans l’aide de vos mains. Posez-moi, par exemple, des questions et je répondrai.

LUI. Alors, vous êtes venue seulement pour parler? Ici, dans cette chambre?

ELLE. Naturellement. Selon vous, il vaut mieux discuter dehors dans le froid, le vent et la pluie? (Et comme il la tient toujours enlacée, elle continue.) Si vous ne me relâchez pas immédiatement, je m’en vais tout de suite.

L’homme relâche la femme. Pause.

LUI. Si ces caprices doivent se poursuivre, pourquoi donc êtes-vous venue?