Pièces choisies - страница 15



LUI. (Après un court silence.). Pas tous, en effet.

ELLE. Et le couple qui se forme n’est pas toujours assorti.

LUI. C’est vrai aussi.

ELLE. Donc, vous considérez qu’une femme doit toujours être non pas l’archet mais le violon?

LUI. La question n’est pas ce que je considère ou non. Le monde est comme ça, tout simplement.

ELLE. Mais pourquoi? Les femmes n’ont-elles pas le droit de chercher leur bonheur et de faire ce qu’il faut pour l’atteindre? Les hommes et les femmes ne sont-ils pas égaux?

LUI. Égal ne signifie pas identique. Un chat mâle et un chat femelle sont aussi juridiquement égaux, mais biologiquement ils se conduisent différemment. Pareil pour les humains. Physiquement, une femme ne peut pas prendre un homme, le posséder. C’est toujours lui qui la prend, et elle, elle se donne. D’où différentes normes de conduite : il choisit, elle attend d’être choisie.

ELLE. Vous raisonnez en professionnel. Donc, une femme ne peut pas chercher.

LUI. Ce n’est pas elle qui doit chercher, elle, on doit la trouver. C’est pourquoi le premier motif du comportement d’une femme, c’est d’être attirante.

ELLE. Mais peut-être n’est-ce pas une loi de la biologie, mais une question d’éducation et de tradition?

LUI. Les traditions sont différentes d’un peuple à l’autre. Mais partout nous voyons une seule et même chose : l’homme cherche la femme, la choisit, fait tout pour l’avoir, l’achète, la prend. Mais on ne voit pas le contraire. Et en général, c’est bien connu, l’homme chasse la femme jusqu’à ce qu’elle le capture.

ELLE. C’est une vieille fable.

LUI. Du reste, se battre seul contre une morale acceptée par tous est toujours sans espoir et n’a pas de sens. Et si l’on va à l’encontre de notre nature biologique cela conduit inévitablement à toutes sortes de névroses qui s’observent chez la majorité d’entre nous.

ELLE. Vous compris?

LUI. Pourquoi devrais-je être une exception? Cessons cette discussion, voulez-vous?

ELLE. Comme vous voulez. Je vous aurais même invité à danser, mais je suis certaine que vous ne savez pas.

LUI. Si, pourquoi? Un peu moins bien qu’un ours, mais sûrement mieux qu’un éléphant.

ELLE. On peut peut-être essayer. (Elle le tire par la main, l’invitant à danser et fait quelques pas avec lui.)

LUI. Non, ce n’est pas la peine. Vous allez y perdre vos pieds.

ELLE. Donc, vous aussi vous avez des problèmes, bien que vous soyez un grand théoricien en matière de sexe. Et qu’en est-il dans la pratique?

LUI. Dans la pratique, tout mon temps est accaparé par le travail. Le reste m’intéresse peu.

ELLE. Et les enfants? Et votre femme chérie? (Elle ajoute, non sans une pointe de causticité :) Qui vous plaît sous tous les rapports?

LUI. Je n’ai pas d’enfants.

ELLE. Pas de femme non plus, peut-être?

LUI. Eh bien, si vous voulez la vérité, pas de femme non plus, à présent.

ELLE. «À présent» vous voulez dire maintenant pendant que vous êtes à l’hôtel?

LUI. Je n’ai pas du tout de femme. Depuis deux ans.

ELLE. Une petite amie, bien sûr.

LUI. Non plus.

ELLE. (Franchement surprise.). Comment ça? un psychologue parlerait là d’un cas lourd.

LUI. Ça ne va pas aussi mal que vous le pensez, c’est bien pire.

ELLE. Que vous est-il arrivé?

LUI. Rien de particulier. Une histoire très triviale.

ELLE. Dites.

LUI. Vous ne préférez pas boire?

Il remplit les flûtes et ils trinquent.

ELLE. Et maintenant, racontez.