Pièces choisies - страница 3
LUI. Mais je ne t’ai pas invitée à un souper Tu t’es toi-même invitée. Di…tes, vous faites vraiment ce métier?
ELLE. J’aime mon métier et il m’a fallu du temps pour l’apprendre. Je n’ai aucune honte. Et puis, qui je suis, c’est clair depuis longtemps pour vous et il n’y a rien à ajouter. Parlez plutôt de vous.
LUI. Il n’y a rien à dire.
ELLE. Pourquoi rien? Par exemple, vous avez déclaré avec fierté que vous étiez marié. Eh bien, parlez de votre femme.
LUI. À quoi bon?
ELLE. Je veux connaître vos goûts. La femme de la périphérie coute toujours avec intérêt ce qui est dit au sujet de la femme qui est au centre.
LUI. (Avec déplaisir.). Qu’est-ce qu’on peut dire? Une épouse est une épouse.
ELLE. « Une épouse est une épouse ». Du pur Tchékhov. « Les trois sœurs ». Elle est blonde? Brune?
LUI. Quelle importance?
ELLE. Aucune. Simple curiosité. Vous avez une photographie?
LUI. Non. Et si j’en avais eu une, je ne vous l’aurais pas montrée.
ELLE. Naturellement. Pour quoi faire l’étalage de la beauté d’une épouse pure devant une fille? Elle vous plaît?
LUI. Oui.
ELLE. Sous tous les rapports?
LUI. Sous tous les rapports.
ELLE. Même intimes?
LUI. Surtout intimes.
ELLE. Et vous n’avez même pas envie, parfois, de changement?
LUI. Pas envie.
ELLE. Vous mentez. C’est contraire à la nature de l’homme. Vous devriez le savoir, vous qui êtes biologiste. Ou psychologue?
LUI. (Étonné). Comment sais-tu que… (Avec méfiance.) Tu m’espionnes, ma parole. Je n’aime pas ça.
ELLE. (riant de son air intrigué). Je lis dans les traits du visage.
LUI. Non, sérieusement.
ELLE. C’est sérieux, je lis dans les traits du visage. Et aussi l’insigne que vous portez sur la veste. « Quatrième conférence internationale de psychologie ». Car vous êtes ici pour la conférence?
LUI. Oui, c’est exact.
ELLE. Vous avez fait une intervention?
LUI. Oui.
ELLE. Alors, que dit votre psychobiologie? L’homme a-t-il envie de changement ou pas?
LUI. (Sombre.). En tout cas, pas avec des femmes telles que toi.
ELLE. Merci, vous êtes très aimable.
LUI. Je dis simplement les choses comme elles sont.
ELLE. Mais si vous dites les choses comme elles sont, avouez donc que votre mariage n’est pas vraiment une réussite.
LUI. Qu’est-ce qui te fait dire ça?
ELLE. Je le vois au ton sur lequel vous en parlez, ou plus exactement ne voulez pas en parler. Du reste, les mariages, en général, sont rarement une réussite. C’est pourquoi, il n’est pas difficile de deviner.
LUI. (Sèchement.). Garde les devinettes pour toi.
ELLE. J’ai mis dans le mille et vous vous emportez.
LUI. Tu te trompes.
ELLE. Je me trompe? J’en suis ravie pour vous… Bon, et comment vivez-vous avec votre épouse qui est une épouse?
LUI. Comme tous les maris.
ELLE. Comme tous les maris? Je vois.
LUI. Qu’est-ce que tu vois?
ELLE. Tous les maris. (Elle déclame, moqueuse.)
« Mes amis vivaient avec leurs belles-mères
Et leurs épouses, portraits crachés des mères,
Les unes trop grosses, les autres osseuses,
Fatiguées et comme la pluie ennuyeuses » …
LUI. (Agacé.). Ne va pas trop loin, quand même, ma vie de famille ne te regarde pas.
ELLE. (Avec ironie.). C’est sacré.
LUI. Sacré ou pas, ça ne te concerne pas.
ELLE. Pourquoi vous vexez-vous? Je n’ai fait que dire des vers. Et en plus, pas les miens.
LUI. Parce que tu en écris?
ELLE. Peut-être.
LUI. (Grossier.). J’étais loin de penser que les putains étaient si romantiques.