Maria (Français) - страница 20



Un matin, ma mère est entrée dans ma chambre et, s'asseyant à la tête du lit dont je n'étais pas encore sorti, elle m'a dit :

–Ce n'est pas possible : tu ne dois pas continuer à vivre ainsi ; je ne suis pas satisfait.

Comme je restais silencieux, il a continué :

–Ce que vous faites n'est pas ce que votre père a exigé ; c'est beaucoup plus ; et votre conduite est cruelle pour nous, et plus cruelle encore pour Maria. J'étais persuadée que tes fréquentes promenades avaient pour but d'aller chez Luisa, à cause de l'affection qu'on t'y porte ; mais Braulio, qui est venu hier soir, nous a fait savoir qu'il ne t'avait pas vue depuis cinq jours. Qu'est-ce qui te cause cette profonde tristesse, que tu ne peux maîtriser même dans les rares moments que tu passes en société avec la famille, et qui te fait rechercher sans cesse la solitude, comme si c'était déjà une gêne pour toi d'être avec nous ?

Ses yeux sont remplis de larmes.

Marie, madame, répondis-je, il doit être entièrement libre d'accepter ou de ne pas accepter le sort que Charles lui offre ; et moi, en tant qu'ami, je ne dois pas l'illusionner sur les espoirs qu'il doit à juste titre entretenir d'être accepté.

Je révélais ainsi, sans pouvoir m'en empêcher, la douleur la plus insupportable qui m'avait tourmenté depuis la nuit où j'avais entendu la proposition de messieurs de M***. Les pronostics funestes du médecin sur la maladie de Maria n'étaient rien pour moi avant cette proposition ; rien de la nécessité d'être séparé d'elle pendant de longues années.

Comment avez-vous pu imaginer une telle chose ? -Elle n'a dû voir votre ami que deux fois, une fois lorsqu'il était ici pour quelques heures, et une fois lorsque nous sommes allés rendre visite à sa famille.

–Mais, ma chère, il reste peu de temps pour que ce que j'ai pensé se justifie ou disparaisse. Il me semble que cela vaut la peine d'attendre.

–Vous êtes très injuste et vous regretterez de l'avoir été. Marie, par dignité et par devoir, sachant qu'elle se maîtrise mieux que vous, cache combien votre conduite la fait souffrir. J'ai peine à croire ce que je vois ; je suis étonnée d'entendre ce que vous venez de dire ; moi qui pensais vous donner une grande joie, et remédier à tout en vous faisant connaître ce que Mayn nous a dit hier en se séparant !

Dis-le, dis-le", suppliai-je en me redressant.

–Quel est l'intérêt ?

Ne sera-t-elle pas toujours… ne sera-t-elle pas toujours ma sœur ?

Ou bien un homme peut-il être un gentleman et faire ce que vous faites ? Non, non ; ce n'est pas à un de mes fils de faire cela ! Ta soeur ! et tu oublies que tu le dis à celle qui te connaît mieux que tu ne te connais toi-même ! Ta soeur ! et je sais qu'elle t'a aimé depuis qu'elle vous a couchés tous deux sur mes genoux ! et c'est maintenant que tu le crois ? maintenant que je suis venu t'en parler, effrayé par les souffrances que la pauvre petite essaie inutilement de me cacher.

–Je ne voudrais pas, un seul instant, vous donner un motif de mécontentement tel que vous me le faites connaître. Dites-moi ce que je dois faire pour remédier à ce que vous avez trouvé de répréhensible dans ma conduite.

–Tu ne veux pas que je l'aime autant que je t'aime ?

Oui, madame ; et c'est le cas, n'est-ce pas ?

–Il en sera ainsi, bien que j'aie oublié qu'elle n'a d'autre mère que moi, et les recommandations de Salomon, et la confiance dont il m'a jugée digne ; car elle le mérite, et elle vous aime tant. Le médecin nous assure que la maladie de Mary n'est pas celle dont Sara a souffert.