Pièces choisies - страница 31
LE DOCTEUR. Quand ? Ce matin ?
MICHEL. Non, il y a très longtemps. Il y a un an, ou deux.
MICHEL. Et vous vous en souvenez ?
MICHEL. Bien sûr que je m’en souviens.
LE DOCTEUR. Pourquoi, alors, ne puis-je pas la retrouver dans mon ordinateur ?
MICHEL. Je ne sais pas. Vous voulez que je vous aide ?
LE DOCTEUR. (Le repoussant.) Pas la peine ! (Il renouvelle ses recherches dans son ordinateur.)
Entre une Femme portant un costume en prince de galles irréprochable. Ses gestes sont assurés, elle parle avec clarté et précision, a les manières d’une personne décidée.
LA FEMME. Bonjour.
MICHEL. (Heureux.) C’est toi ?
LA FEMME. Comme tu vois, chéri.
MICHEL. Je m’ennuie de toi, ici. Je suis content que tu sois venue !
MICHEL et LA FEMME s’enlacent et s’embrassent.
LA FEMME. Rentre ta chemise et arrange ta coiffure. Comment vas-tu ?
MICHEL. À merveille.
LE DOCTEUR. Vous permettez ? Qui êtes-vous ?
MICHEL. C’est ma femme.
LA FEMME. (Tendant la main au Docteur.) Comme vous le savez, je m’appelle Jeanne Grelot.
LE DOCTEUR. (Abasourdi.) Enchanté.
JEANNE. Je ne vous dérange pas ?
LE DOCTEUR. Asseyez-vous. (Il emmène Michel à part.) Qui est cette femme ?
MICHEL. Mais je vous l’ai dit : ma femme.
LE DOCTEUR. Mais, tout à fait récemment vous avez enlacé à cette même place une autre femme dont vous avez dit aussi qu’elle était votre femme !
MICHEL. Docteur, vous avez des hallucinations. Il faut vous soigner. Ici, il n’y a eu aucune femme.
LE DOCTEUR, désorienté, prend une nouvelle dose de médicament. Ayant rassemblé ses idées, il s’adresse à JEANNE.
LE DOCTEUR. J’espère que vous ne vous offusquerez pas si je vous demande de me présenter une pièce d’identité.
JEANNE. Étrange demande. Du reste, c’est comme vous voulez. Voici mon permis de conduire. (Elle tend son document.) Jeanne Grelot. À votre service.
LE DOCTEUR regarde attentivement le permis de conduire et le rend à JEANNE.
LE DOCTEUR. (Perplexe.) Tout est en ordre.
JEANNE. Vous en doutiez ? Je ne vous demande pas vos papiers, parce que je sais qui vous êtes. Il ne serait pas superflu, bien sûr, de vérifier votre licence, mais cela est l’affaire du parquet et moi je suis avocate. À ce propos, voici ma carte de visite.
LE DOCTEUR. Que me vaut l’honneur de votre visite ?
JEANNE. La santé de mon mari m’inquiète.
LE DOCTEUR. Elle m’inquiète aussi. Mais je préfèrerais en parler avec vous, seul à seule.
JEANNE. (À Michel.) Chéri, attends-moi dans la salle d’attente, ensuite, nous irons ensemble à la maison.
MICHEL sort docilement.
LE DOCTEUR. Savez-vous, que votre… heu-heu… mari est malade ?
JEANNE. Qui mieux que moi peut le savoir ?
LE DOCTEUR. Et savez-vous quelle est sa maladie ?
JEANNE. Il souffre d’amnésie.
LE DOCTEUR. Depuis quand ?
JEANNE. (Étonnée.) Que signifie « depuis quand » ?
LE DOCTEUR. Depuis quand est-il malade ?
JEANNE. (Étonnée.) Comment ? Vous ne savez pas ?
LE DOCTEUR. Pourquoi devrais-je le savoir ?
JEANNE. Mais voyons, vous le suivez depuis deux ans !
LE DOCTEUR. Moi ? Deux ans ??
JEANNE. Docteur, qu’arrive-t-il à votre mémoire ? Comment pouvez-vous soigner des malades, si vous-même ne vous souvenez de rien ?
LE DOCTEUR. Bien, deux ans, soit. Parlez-moi de la maladie de votre mari en termes plus précis. Votre cohabitation est-elle difficile ?
JEANNE. Quelle femme trouve facile de vivre avec son mari ?
LE DOCTEUR. Nous n’allons pas entrer dans les problèmes personnels, parlons des problèmes médicaux. Quelles sont les manifestations concrètes de sa maladie ?