Pièces choisies - страница 39



LE DOCTEUR. Moi je n’aime pas ?

L’HOMME. Vous.

LE DOCTEUR. Moi ?!

L’HOMME. Vous.

LE DOCTEUR. Et alors ? Et qui aime ça ?

L’HOMME. Et si nous organisions un petit contrôle ?

LE DOCTEUR. Faites, donc. Je sais bien cacher mes revenus.

L’HOMME. Et moi, je sais bien les retrouver.

LE DOCTEUR. Cessez de me menacer. Je vous l’ai dit, je ne crains pas les contrôles.

L’HOMME. Parce que vous ne prenez pas de pots-de-vin ?

LE DOCTEUR. Non. Parce que je les donne. Au plaisir de vous revoir.

L’HOMME. (Changeant de ton.) Docteur, vous le savez bien, l’affaire que j’ai en ce moment est strictement personnelle, elle n’a aucun rapport avec la médecine, ni avec le fisc. J’ai besoin d’Irène.

LE DOCTEUR. Au revoir. La porte de sortie est ici.

L’HOMME. (S’attardant au moment de sortir.) Docteur, pourquoi, tout de même, vient-elle vous voir ? Il y a quelque chose entre vous ?

LE DOCTEUR. Cela ne vous regarde en aucune façon.

L’HOMME. Serait-elle malade ?

LE DOCTEUR. Aucun détail concernant mes visiteurs, malades ou bien portants, ne franchit les limites de ce cabinet.

L’HOMME. (D’un ton sec, presque menaçant.) Parfait. Cependant, je sens qu’il y a un lien entre vous et je pense qu’il est de mon devoir de vous prévenir : soyez prudent.

LE DOCTEUR. Dans quel sens ?

LE DOCTEUR. Dans tous les sens. Elle s’est oubliée et elle-même ne comprend pas ce qu’elle fait. (Il se dirige vers la sortie.) Si, malgré tout, vous la voyez, dites-lui que j’essaierai de la voir à la maison, et si je ne l’y trouve pas, que je reviendrai ici.

LE DOCTEUR. Je ne pense pas que je vous laisserai entrer.

L’HOMME. Et moi, je ne pense pas que je vous en demanderai l’autorisation.

L’HOMME part. LE DOCTEUR se rassoit devant son ordinateur. IRÈNE revient.

IRÈNE. Vous n’en avez toujours pas assez de moi ?

LE DOCTEUR. Le taxi est déjà là ?

IRÈNE. Je ne l’ai pas appelé… J’ai décidé d’emmener Michel dans ma voiture. Elle est là, tout près, sur le parking. Surveillez-le deux minutes encore, d’accord ? (Après avoir bien regardé le Docteur.) Qu’y a-t-il encore ?

LE DOCTEUR. À l’instant… Eh bien… Il a de nouveau demandé après vous… Votre mari…

IRÈNE. Je vous l’ai déjà dit, je n’ai aucun mari ! À part Michel, bien sûr.

LE DOCTEUR. Je ne sais pas, je ne sais pas… Il m’a prévenu qu’il fallait que je sois prudent avec vous.

IRÈNE. Il n’a pas expliqué de quoi il retournait ?

LE DOCTEUR. Non, mais il a dit que c’était très important. Une question de vie et de mort.

IRÈNE. (Fortement troublée.) Je crois que je devine de qui il s’agit.

LE DOCTEUR. Il est vraiment votre mari ?

IRÈNE. Pas tout à fait.

LE DOCTEUR. Pas tout à fait ?

IRÈNE. Pas du tout. C’est mon collègue de travail… plus exactement, c’est même mon supérieur.

LE DOCTEUR. Vous dites la vérité ?

IRÈNE. Je vous jure.

LE DOCTEUR. Et de quelle affaire importante vous concernant parle-t-il ?

IRÈNE. Des bêtises. Simplement, il, comment vous dire… Il y a des gens, voyez-vous, qui… Il est continuellement à vouloir élucider quelque chose avec moi, à vouloir m’entretenir de quelque chose… Et c’est toujours, bien sûr, urgent. Du reste, voilà un patient idéal pour vous.

LE DOCTEUR. Je comprends.

IRÈNE. Bon, je vais chercher la voiture.

LE DOCTEUR. (La retenant.) Je n’ai pas envie de vous laisser partir.

IRÈNE. (Dégageant la main avec douceur.) Je reviens vite. Une minute, pas plus.

LE DOCTEUR. Et vous repartirez.