Pièces choisies - страница 38



IRÈNE. Eh bien, vivez le présent. Remettez à plus tard vos considérations, et maintenant laissez-vous aller à la joie de vivre. (Elle lève son verre.) À votre santé et à vos succès ! Au bonheur !

LE DOCTEUR. Merci. Je me sens si à l’aise avec vous. Il émane de vous une certaine lumière. Vous êtes, sûrement, très heureuse. (Il la prend par la main.)

IRÈNE. (Sans retirer sa main.) N’allez pas croire que j’ai une vie facile. Moi aussi, je sais ce qu’est la solitude.

LE DOCTEUR. Mais vous avez Michel.

IRÈNE. (L’air inquiet.) À propos, il faut vérifier s’il n’est pas parti. (Elle sort et très vite revient.)

LE DOCTEUR. Il n’a pas bougé ?

IRÈNE. Non.

LE DOCTEUR. Dommage.

IRÈNE. Je dois y aller. J’appelle un taxi et j’emmène Michel .

LE DOCTEUR. Notre rendez-vous d’aujourd’hui tient toujours ?

IRÈNE. Si vous ne changez pas d’avis et si vous n’oubliez pas.

LE DOCTEUR. (Avec flamme.) Moi, oublier ? Mais je… (Se remémorant la soudaine et étrange amnésie dont il avait été frappé.) Je vais le noter. À tout hasard. (Il écrit dans son agenda.)

IRÈNE. (Se levant.) Et n’oubliez pas de préparer la fiche médicale et le certificat médical.

LE DOCTEUR. Pour vous, je ferai tout ce qui vous plaira. Je vous raccompagne ?

IRÈNE. Non, merci.

IRÈNE sort. LE DOCTEUR, requinqué, s’assoit devant son ordinateur. Entre L’HOMME. Il se conduit tout à fait autrement que lors de la première fois. Ses manières sont pleines d’assurance et de résolution.

LE DOCTEUR. Encore vous ?

L’HOMME. Comme vous le voyez.

LE DOCTEUR. Que voulez-vous de moi ?

L’HOMME. Je mène une petite enquête privée.

LE DOCTEUR. J’avais tout de suite compris que vous étiez détective.

L’HOMME. Je ne suis pas détective. Je suis du fisc.

LE DOCTEUR. Si vous êtes inspecteur des impôts, présentez vos documents.

L’HOMME. (Sèchement.) Où est Irène ?

LE DOCTEUR. Hélas, je ne vous serai d’aucune utilité. Comme vous le voyez, elle n’est pas là.

L’HOMME. Je l’ai bien vue entrer ici, il y a vingt minutes.

LE DOCTEUR. Mais vous ne l’avez pas vue partir, il y a une minute.

L’HOMME. Elle reviendra ?

LE DOCTEUR. Je ne sais pas. Que lui voulez-vous ?

L’HOMME. C’est quelque chose que je n’ai pas le droit de vous dire.

LE DOCTEUR. Pas le droit, eh bien, ne le dites pas. Au plaisir de vous revoir.

L’HOMME. Il me faut la trouver d’urgence, vous comprenez ? C’est une question de vie et de mort.

LE DOCTEUR. Vous n’êtes pas dans une agence de détective. Aussi, cherchez-la dehors. Et, s’il vous plaît, ne me faites pas perdre mon temps. Au fait, les consultations dans mon cabinet sont très onéreuses.

L’HOMME. Je suis prêt à payer, si vous m’aidez à la retrouver.

LE DOCTEUR. Je ne prends pas de pots-de-vin.

L’HOMME. Non !?

LE DOCTEUR. Je reçois des honoraires.

L’HOMME. Mais je suis prêt à vous verser des honoraires.

LE DOCTEUR. Je ne les perçois qu’en échange d’un traitement et non pas en échange de renseignements donnés. Je vous souhaite de réussir, et ne m’empêchez pas de travailler. Je ne reçois que sur rendez-vous. (Il entraîne poliment L’Homme vers la sortie de secours.) Je vous en prie. Non, pas par cette porte. Par celle-ci, n’entrent que mes malades.

L’HOMME. Bon, dans ce cas, je vous enverrai vraiment l’inspecteur des impôts. (Il regarde attentivement le Docteur.) Non, vous avez eu peur ?

LE DOCTEUR. Pas tellement.

L’HOMME. Vous devriez. Je suis sûr que vous n’aimez pas payer des impôts.